L'ancien chef des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic a affirmé avoir été kidnappé et dit craindre pour sa vie, lors de sa première comparution devant le Tribunal pénal international de La Haye où il doit répondre d'accusations de génocide et de crimes de guerre.
Radovan Karadzic, arrêté le 21 juillet près de Belgrade après onze années de clandestinité, portait un costume sombre et une cravate et est apparu émacié lorsqu'il s'est assis seul dans le box des accusés, flanqué de deux gardes.
Il a d'abord répondu avec calme, d'un seul mot, aux questions qui lui étaient posées, glissant quelques plaisanteries ironiques à l'occasion. Mais au fur et à mesure de l'audience, il s'est animé puis a adopté une posture de défi.
Celui qui dirigea la République serbe de Bosnie pendant la guerre de Bosnie, de 1992 à 1995, doit répondre de ses actes pendant le siège de Sarajevo, qui fit 11.000 morts en 43 mois, et du massacre de 8.000 musulmans de Bosnie à Srebrenica en 1995.
Il a déclaré qu'il ferait savoir au tribunal s'il plaidait coupable ou non coupable après avoir étudié les charges retenues contre lui. Les audiences doivent reprendre le 29 août.
L'ancien héros du nationalisme serbe a dénoncé le caractère de son arrestation. "A Belgrade, j'ai été arrêté illégalement, j'ai été kidnappé pendant trois jours (...) Je n'avais pas le droit à un appel téléphonique ni même à un SMS", a-t-il dit.
Il a attaqué le diplomate américain Richard Holbrooke, ancien secrétaire d'Etat adjoint et principal architecte des accords de Dayton en 1995. "Si Holbrooke veut ma mort et regrette qu'il n'y ait pas de condamnation à mort dans ce tribunal, je veux savoir si son bras est assez long pour m'atteindre ici", a-t-il dit.
BARBE RASÉE, CHEVEUX LONGS COUPÉS
Au début de l'audience, le juge Alphons Orie a noté l'absence d'avocat aux côtés de Karadzic. "J'ai un conseiller invisible mais j'ai décidé de me défendre moi-même", a expliqué ce dernier, dans un sourire.
Lorsqu'on lui a proposé d'entendre la lecture de l'acte d'accusation, Radovan Karadzic a déclaré : "Ça ne m'intéresse pas que quelqu'un me lise l'acte d'accusation."
Il a revanche demandé à avoir accès au nouvel acte d'accusation que le parquet est en train de préparer pour l'étudier avant d'annoncer s'il plaide coupable ou non coupable des charges retenues contre lui.
Radovan Karadzic est apparu devant la Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) après avoir passé sa première nuit dans le centre de détention du TPIY à Scheveningen, dans la banlieue de La Haye.
Depuis son arrestation, il a coupé la longue barbe blanche et les cheveux longs qui lui avaient permis de se faire passer pour un docteur en médecines douces pendant ses années de clandestinité.
Le procureur en chef du TPIY, Serge Brammertz, a insisté sur sa volonté d'éviter un nouveau procès-fleuve, assurant que des leçons avaient été tirées depuis le procès de l'ancien président serbe Slobodan Milosevic, mort en détention en 2006 avant la conclusion des audiences.
"Bien sûr, il faudra plusieurs mois avant que l'accusation et la défense soient prêts à commencer. Ce sera un procès complexe, mais nous sommes pleinement conscients de l'importance d'être efficaces", a-t-il déclaré mercredi à des journalistes.
L'avocat de Karadzic a déclaré qu'il utiliserait les trente jours auxquels il a droit pour décider s'il plaide coupable ou non coupable. En l'absence de décision de sa part, le tribunal considèrera qu'il plaide non coupable.
Version française Gwénaëlle Barzic
Source : Reuters